13.07.23
15:49

La nomination d'une Américaine à un poste clé de l'UE fait scandale

La nomination d'une Américaine, ancienne cadre de l'administration Obama, à un poste clé de la Commission européenne lié à la régulation des géants américains de la tech suscite une levée de boucliers en France, même si Bruxelles écarte tout conflit d'intérêt.

L'exécutif européen a annoncé mardi que Fiona Scott Morton, professeur d'économie à l'université de Yale, avait été choisie comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence. Elle doit prendre ses fonctions le 1er septembre.

Ce service est chargé de veiller au bon fonctionnement de la concurrence dans l'UE et d'enquêter notamment sur les abus de position dominante des géants du numérique qui ont donné lieu à des amendes record ces dernières années.

La nouvelle a suscité l'indignation dans la classe politique française, tous partis confondus.

Des élus ont notamment épinglé ses anciennes fonctions de responsable de l'analyse économique à la division antitrust du ministère américain de la Justice, entre mai 2011 et décembre 2012, ou de consultante pour des grands groupes de la tech comme Apple et Microsoft.

La nomination intervient au moment où l'UE doit mettre en oeuvre de nouvelles législations ambitieuses pour réguler ce secteur et nourrit les critiques contre la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, considérée comme très atlantiste.

"Embaucher une lobbyiste américaine des GAFAM au moment où l'Europe se décidait enfin à limiter leur pouvoir, c'est un comble. Cette nomination est au mieux maladroite, au pire dangereuse. Dans tous les cas, la Commission doit y renoncer", a déclaré à l'AFP l'eurodéputé conservateur Geoffroy Didier (Les Républicains). "À Bruxelles, lorsqu'on sort un lobbyiste par la porte, il revient par la fenêtre", a-t-il fustigé.

 

"Contraire à l'éthique" 

Le recrutement de Mme Scott Morton est "un scandale", a dénoncé l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot, en demandant aussi à Mme von der Leyen "d'annuler cette nomination contraire à l'éthique".

Interrogée par l'AFP, une porte-parole de la Commission européenne a précisé que la nouvelle fonction de Fiona Scott Morton consistait en un rôle de conseillère sur les questions économiques auprès de la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager.

Elle a écarté tout risque de conflit d'intérêt. Avant de nommer Mme Scott Morton, "la Commission a soigneusement examiné si elle avait un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance", a-t-elle expliqué.

La porte-parole a souligné que la nouvelle économiste en chef ne serait "pas impliquée dans des dossiers sur lesquels elle a travaillé ou dont elle a eu connaissance dans son emploi précédent".

En outre, pendant les deux premières années dans ses nouvelles fonctions, Mme Scott Morton ne pourra s'occuper "d'aucun dossier lié aux entreprises pour lesquelles elle a travaillé (ou qu'elle a eues comme clients) au cours de l'année précédant son entrée à la Commission".

Le député macroniste de Paris, Benjamin Haddad, a tout de même déploré "une décision inexplicable". "Aucun citoyen européen n'avait les compétences requises?", s'est-il interrogé sur Twitter.

L'exécutif européen a justifié l'ouverture du poste à des candidatures hors UE par "les connaissances très spécifiques requises".

Malgré cette ouverture large, la Commission assure avoir reçu seulement "un nombre limité de candidatures". Mme Scott Morton "s'est avérée être le meilleur choix parmi ces candidats, tant du point de vue de ses qualifications que de ses performances au cours de la procédure de recrutement", a expliqué la porte-parole.

Les réactions outragées se sont toutefois multipliées sur les réseaux sociaux.

"Nous avons travaillé d'arrache-pied pour réguler les GAFAM, ce n'est pas pour confier l'application de ces règles à leur lobbyiste. No way", a lancé l'eurodéputé de centre-gauche Raphaël Glucksmann.

"Naufrage de la prétendue +souveraineté européenne+ et annexion de notre continent par les nord-américains. Elle est belle leur Europe!", s'est exclamé Jean-Luc Mélenchon (gauche radicale) en critiquant Ursula von der Leyen.

Même tonalité à l'extrême droite. "L'UE ne se cache plus d'être une colonie de Washington!", s'est insurgé Florian Philippot, président des Patriotes.

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