Attentats de Bruxelles: "Je souhaite que ça n'arrive plus jamais, mais des deux côtés", clame un accusé
La cour d'assises de Bruxelles s'est penchée mercredi sur les séjours en Syrie de certains accusés des attentats du 22 mars 2016: l'occasion pour eux d'exprimer la "haine" que leur ont inspirée les bombardements de la coalition.
Sofien Ayari, condamné à 30 ans de réclusion pour son rôle dans les attentats jihadistes du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts), est parti combattre au sein de l'organisation Etat islamique (EI) en décembre 2014. Blessé, il est hospitalisé à Raqqa, ancienne "capitale" de l'EI, en Syrie.
"Ce que j'ai vécu à Raqqa, ce n'était pas une guerre, c'était autre chose, c'était des bombes qui tombaient sur des hommes, des femmes, des enfants", a décrit le Tunisien de 29 ans. "Cela a été un point de bascule pour moi. Je n'ai jamais ressenti une haine pareille, une incompréhension. J'étais fou de rage".
Il a mis en cause le témoignage de l'ancien président français François Hollande lors du procès des attentats du 13-Novembre, qui avait dit ne pas avoir "eu connaissance de victimes collatérales" causées par les frappes françaises contre l'EI en Syrie et en Irak.
"Que chacun assume sa responsabilité (...) J'ai l'impression qu'on ne condamne que d'un seul côté", a commenté l'accusé, regard noir et barbe fournie. "Il n'y a aucune considération pour la vie humaine là-bas", a-t-il dénoncé.
"Pas en paix"
"Quand je vois des personnes qui souffrent bien sûr ça ne me fait pas plaisir", a-t-il dit à propos des victimes des attentats. "Aujourd'hui je ne suis pas en paix avec tout", a-t-il confié, en réponse aux questions de la présidente de la cour, Laurence Massart.
"Bien sûr je souhaite que ça n'arrive plus jamais, mais que ça n'arrive plus jamais des deux côtés", a ajouté ce compagnon de cavale de Salah Abdeslam et qui comme lui était en prison au moment des attentats de Bruxelles.
Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos du 13-Novembre, condamné à Paris à la réclusion à perpétuité incompressible et qui nie être impliqué dans les attentats de Bruxelles, a lui aussi lié ses agissements aux "décisions désastreuses" des dirigeants participant à la coalition internationale contre le groupe EI.
"Les pilotes d'avion sur Raqqa et Mossoul ne se retrouveront jamais dans des box pour répondre de leurs actes abominables, ils ont été récompensés", a lancé le Français de 33 ans, qui ne s'est quant à lui jamais rendu en Syrie.
Il a affirmé que "la vague d'attentats qui a traversé l'Occident n'a pas été perpétrée dans le but d'élever les drapeaux noirs de l'EI sur le territoire européen, mais en réponse aux bombardements et afin de dissuader la coalition dans son entreprise consistant à éradiquer l'EI, l'islam authentique et ceux qui le défendent".
Bilal El Makhoukhi, un Belgo-Marocain de 34 ans, ancien combattant du groupe EI, a raconté avoir passé en Syrie "les meilleurs moments de (sa) vie, même si c'était dur". "Je me sentais plus vivant là bas qu'ici. Je sentais que je servais à quelque chose".
L'interrogatoire des neuf accusés au procès des attentats de Bruxelles, entamé le 5 avril, doit se poursuivre jusqu'à jeudi soir.
Un dixième accusé, Oussama Atar, considéré comme le donneur d'ordre des attaques de Bruxelles après avoir coordonné les attentats du 13-Novembre, est jugé en son absence. Il est présumé mort en zone irako-syrienne.
Le double attentat islamiste de Bruxelles, à l'aéroport et dans le métro, a causé la mort de 32 personnes et fait plus de 300 blessés.