Poubelles à Paris: "Hidalgo impose aux Parisiens les conséquences de la grève des éboueurs"
A toi de réquisitionner: avec l'amoncellement de poubelles non ramassées dans les rues de Paris, au dixième jour de la grève des éboueurs contre la réforme des retraites, le bras de fer politique se durcit entre le gouvernement français et la mairie de Paris.
Alors que le texte passe mercredi l'étape cruciale de la commission mixte paritaire (CMP), et que les grévistes de la CGT ont voté la poursuite du mouvement "au moins jusqu'au 20 mars", les deux camps se renvoient la balle sur la responsabilité d'en limiter les effets.
Mercredi, 7.600 tonnes de déchets encombraient les trottoirs de la capitale, selon la mairie. Et le gouvernement, par la voix de son porte-parole Olivier Véran, a accusé la maire socialiste Anne Hidalgo d'"imposer" aux Parisiens "les conséquences" de son soutien au mouvement de grève.
Dès le début de l'examen de la réforme fin janvier, l'ex-candidate à présidentielle de 2022 avait choisi d'afficher l'Hôtel de Ville comme "mairie solidaire" avec le mouvement social.
Et mercredi après-midi, le Conseil de Paris sera interrompu afin que les élus de gauche puissent aller manifester, une décision qui a provoqué les protestations de la droite et du centre.
"La mairie ne fait pas grand-chose pour s'opposer à la grève", estime le maire LR du XVe arrondissement Philippe Goujon, pour qui Anne Hidalgo "ne peut pas appeler à la solidarité avec les manifestants et se plaindre que Paris est devenue une ville remplie d'immondices".
A qui la compétence?
Sollicité par la maire LR du VIIe arrondissement, Rachida Dati, qui met en avant un "risque sanitaire", le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a donné mardi soir instruction au préfet de police de Paris de demander à la mairie de "réquisitionner" des moyens pour évacuer les ordures.
Si la mairie "ne donne pas suite à la réquisition, l'Etat se substituera" pour évacuer les poubelles, a-t-on ajouté dans l'entourage de M. Darmanin.
Beauvau affirme de son côté que la demande "a été envoyée ce (mercredi) matin à la mairie". "Nous n'avons reçu aucune demande de réquisition à ce stade", affirme à l'AFP l'entourage de l'élue socialiste.
Surtout, la mairie "n'a pas le pouvoir" de réquisitionner les grévistes, réaffirme l'entourage d'Anne Hidalgo, qui a dit à Gérald Darmanin "qu'elle ne comptait pas lui demander de le faire et lui a conseillé de privilégier le dialogue plutôt que de passer en force".
Dans un courrier mardi, la préfecture de police souligne pourtant, en se basant - comme Mme Dati - sur le Code général des collectivités territoriale, que "la mairie détient la police de la salubrité sur la voie publique".
Il est donc "de sa compétence de requérir une entreprise privée ou de réquisitionner les agents", ajoute la préfecture qui dit pouvoir "dans un second temps" mettre en demeure la Ville de le faire.
Si cette procédure "reste infructueuse, le préfet de police peut se substituer" à la mairie, "en cas d'urgence lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité publiques l'exige", ajoute la préfecture.
"Urgences absolues"
"Que l'Etat assume ses responsabilités", a dit mardi le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire, selon qui le gouvernement "crée une crise sociale et exige des collectivités territoriales de demander une réquisition".
Quant à l'emploi d'agents privés pour agir "sur des urgences absolues", a-t-il reconnu, il ne constitue "pas du tout de travail de substitution. Jamais Anne Hidalgo et les élus de cette majorité ne s'engageraient à briser un mouvement de grève", a-t-il assuré.
Mercredi sur BFMTV, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a interpellé Gérald Darmanin: "Vous faites comment pour réquisitionner les gens ? Vous allez les chercher un par an ? Il en faut 3.000 pour faire le ramassage des déchets à Paris".
La mairie souligne aussi que le dénouement de la crise se joue avant tout à la porte des trois incinérateurs de proche banlieue bloqués depuis dix jours, et qui ne dépendent pas d'elle mais du syndicat métropolitain, le Syctom.
Or mardi, selon la préfecture, le Syctom n'avait pas "sollicité le concours de la force publique pour lever ces blocages".