02.12.22
16:27

Buffles, cash et canapé: le point sur le scandale qui fait trembler le président sud-africain

L'affaire date mais elle a resurgi avant une échéance électorale cruciale pour le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, obligé de peser entre démission ou risque de destitution. Voici ce que l'on sait au sujet du scandale de "Phala Phala".

 

Un cambriolage 

Homme d'affaires richissime avant d'être élu président, Cyril Ramaphosa possède entre autres un domaine baptisé "Phala Phala" (nord-est), avec une maison de maître, un élevage de bétail et une réserve de gibier. 

En février 2020, des cambrioleurs s'y introduisent. Le président est en déplacement à Addis Abeba pour un sommet de l'Union africaine.

Les intrus, visiblement de mèche avec un employé de maison, découvrent de l'argent en liquide caché dans un canapé de la résidence du président et repartent avec le butin.

Aucun plainte n'a été retrouvée dans les dossiers de la police, M. Ramaphosa affirme avoir informé les services de protection présidentielle. 

 

Soudain, une plainte 

L'affaire reste inconnue du public pendant plus de deux ans. 

Le scandale éclate le 1er juin avec l'annonce d'une plainte déposée par Arthur Fraser, ex-patron du renseignement et ancien responsable des services pénitentiaires qui a libéré en conditionnelle l'ennemi politique de Ramaphosa, son prédécesseur Jacob Zuma, en 2021.

La plainte déclenche l'ouverture d'une enquête pénale, six mois avant une réunion cruciale où l'ANC au pouvoir doit décider de reconduire ou non Ramaphosa à la tête du parti et de l'Etat. Aucune charge n'est retenue à ce stade. 

Arthur Fraser affirme que "plus de quatre millions de dollars" étaient dissimulés dans la propriété et découverts par les cambrioleurs. Selon lui, l'argent a été introduit "illégalement" dans le pays par un conseiller pour le compte du président.

"Le président a dissimulé le crime à la police et aux impôts", poursuit-il, accusant aussi Ramaphosa d'avoir organisé par le biais de son service de protection la traque des voleurs et leur "séquestration", avant de les soudoyer pour leur silence. 

Un petit parti, le Mouvement pour la transformation de l'Afrique (ATM), dépose une motion de censure. 

 

Passion présidentielle 

M. Ramaphosa n'a jamais nié la présence des liasses de dollars. Dans une déclaration officielle soumise à la commission parlementaire chargée de l'affaire, il explique que l'argent provient de la vente de buffles: 580.000 dollars, selon lui.

Deux mois avant le cambriolage, un homme d'affaires soudanais "est venu à la ferme pour voir les buffles en vente (...) Il a choisi ceux qui lui plaisaient et payé en liquide". 

L'employé chargé de la vente, à la veille de ses vacances de fin d'année, "ne se sentait pas à l'aise à l'idée de laisser l'argent dans le coffre fort" auquel plusieurs salariés ont accès et jugé plus sûr de le dissimuler sous les coussins d'un canapé. 

Pour le reste, M. Ramaphosa nie avoir "pourchassé les voleurs". 

"Je n'ai jamais volé d'argent et je ne le ferai jamais", a-t-il martelé lorsqu'il s'est exprimé la première fois en juin sur l'affaire. 

 

De sérieux doutes 

"Le président a pu commettre (..) des violations et des fautes" dans le cadre de cette affaire, a conclu le rapport parlementaire, ouvrant la voie à une procédure de destitution. 

"Il est difficile d'admettre qu'un étranger transportant 580.000 dollars vienne par hasard le jour de Noël sans prendre de dispositions préalables", soulignent les trois membres de la commission indépendante.

Le fait que l'argent ait ensuite été conservé dans un canapé pendant des mois est un autre "élément troublant et insatisfaisant" parmi les explications données par le président. 

"La pratique normale est de mettre l'argent en banque le jour ouvrable suivant", relève la commission. 

Par ailleurs, les vingt buffles "vendus" à un certain Mustafa Mohamed Ibrahim Hazim, dont l'identité n'a pu être vérifiée, sont toujours à Phala Phala: "Il existe de sérieux doutes quant à savoir si les devises étrangères volées proviennent bien de leur vente", conclut le rapport.

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