Ce que l'on sait des tirs de missiles nord-coréens
Pour la première fois en près de 70 ans, la Corée du Nord a tiré mercredi un missile qui a franchi la ligne marquant de facto la frontière maritime entre les deux Corées.
Le président sud-coréen a qualifié ce tir "d'invasion territoriale de fait". Voici ce que l'on sait des événements:
Les missiles ont-ils atteint la Corée du Sud ?
Non. Mais un missile balistique de courte portée est tombé très près des eaux territoriales sud-coréennes pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.
Ce missile a amerri dans des eaux internationales, à 57 kilomètres à l'est de la Corée du Sud continentale, a indiqué l'armée sud-coréenne.
S'il s'est abîmé en mer en dehors des eaux territoriales sud-coréennes (12 milles marins, soit 22,2 km) le missile est tout de même tombé à 26 km au sud de la "Ligne de limite du Nord" (NLL), qui prolonge en mer la ligne de démarcation intercoréenne des deux côtés de la péninsule.
Que savons-nous de la frontière ?
La NLL a été tracée par le commandement des Nations unies dirigé par les Etats-Unis à la fin de la guerre de Corée (1950-1953), dans le but d'empêcher des affrontements accidentels entre le Nord et le Sud.
Pyongyang qualifie d'invalide la démarcation reconnue par le Sud, considérant qu'elle a été établie unilatéralement par les forces de l'ONU. A la place, la Corée du Nord reconnaît une "Ligne militaire de démilitarisation", au sud de la NLL.
"Encouragée par ses propres capacités nucléaires d'aujourd'hui, (Pyongyang) pourrait déclarer nulle et non avenue la NLL - dont elle pense qu'elle a constitué pour elle un désavantage important", estime Cheong Seong-chang, chercheur à l'institut Sejong.
Y a-t-il eu des affrontements par le passé ?
Point de tension extrême, la frontière maritime intercoréenne a été le théâtre d'affrontements brefs mais violents ces dernières années.
En 1999, un patrouilleur nord-coréen s'est aventuré à près de 10 km au sud de la NLL, mais a battu en retraîte après un échange de tirs qui a coûté la vie à plusieurs Nord-Coréens.
En novembre 2010, Pyongyang a bombardé l'île de Yeonpyeong, près de la NLL, tuant quatre Sud-Coréens et faisant brièvement craindre un conflit à grande échelle.
La guerre de Corée s'étant achevée sur un cessez-le-feu et non un traité de paix. Nord et Sud demeurent techniquement en guerre.
En octobre, les deux pays ont échangé des coups de semonce, s'accusant mutuellement d'avoir enfreint la frontière maritime.
Qu'est-ce que la "zone tampon" ?
Lors d'un sommet historique à Pyongyang en 2018, le président sud-coréen de l'époque Moon Jae-in et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un s'étaient accordés pour établir des "zones tampon" le long de leurs frontières terrestres et maritimes, notamment de la NLL, afin de réduire les tensions et prévenir toute confrontation accidentelle.
Ces zones s'étendent sur une largeur de 5 km de part et d'autre de la ligne de démarcation. Séoul et Pyongyang s'y étaient engagés à ne pas y mener de manoeuvres militaires de grande ampleur, et à n'y pratiquer aucun tir d'artillerie à munitions réelles.
Séoul a affirmé que les exercices d'artillerie nord-coréens récents constituent une "violation claire" de l'accord de 2018.
Pourquoi la Corée du Nord fait-elle cela?
Les derniers tirs de la Corée du Nord sont survenus au moment où Séoul et Washington mènent le plus grand exercice aérien conjoint de leur histoire, baptisé "Tempête vigilante", auquel participent des centaines d'avions des deux armées.
"Tous les derniers essais d'armements, y compris le barrage d'artillerie, sont essentiellement une provocation délibérée destinée à (...) démontrer qu'ils sont capables de détruire le Sud s'ils le veulent", affirme à l'AFP Ahn Chan-il, spécialiste de la Corée du Nord.
"Ce sont des événements de pré-célébration en amont de leur essai nucléaire à venir."
Les manoeuvres américano-sud-coréennes suscitent la colère de Pyongyang qui les considère comme des répétitions générales à une invasion de son territoire. Kim Jong Un utilise cet argument pour défendre ses lancements de missiles, les qualifiant de "contre-mesures" nécessaires face à ce qu'il considère être une agression américaine.
Les négociations autour de l'arme nucléaire et les relations diplomatiques entre Pyongyang et Washington se sont enlisées depuis 2019, au sujet de l'allègement des sanctions et de ce que le Nord serait prêt à abandonner en retour.
La Corée du Nord a adopté une nouvelle doctrine en septembre, rendant "irréversible" son statut de puissance nucléaire, et mettant de fait fin aux négociations autour de ses programmes d'armements illégaux.
"La Corée du Nord est un Etat paria", estime Leif-Eric Easley, professeur à l'université Ewha de Séoul. Selon lui, Pyongyang a développé ses programmes d'armement "en premier lieu en raison des intentions agressives du régime de Kim envers Séoul, et non de ce que Washington fait ou ne fait pas".