Comment Poutine a transformé Volodymyr Zelensky
Depuis plusieurs semaines, le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne veut plus négocier ni discuter avec Poutine. Cette posture tranche avec celle qu'il affichait lors des premières semaines de l'invasion russe. "Désormais, les Ukrainiens sont dans une logique maximaliste", explique Sébastien Gobert, rédacteur en chef du service international de La Libre. Pour comprendre cette transformation de Volodymyr Zelensky, il faut s'intéresser à son personnage et à son parcours. Mais aussi et surtout à l'évolution de ses relations avec celui qui est devenu aujourd'hui son ennemi juré, Vladimir Poutine.
Rien ne prédestinait Volodymyr Zelensky à souhaiter la chute du président russe. Lors de sa campagne électorale en 2019, il promettait aux ukrainiens des relations apaisées avec le Kremlin et la fin de la guerre dans l’Est du pays. Des discours particulièrement populaires dans un pays en conflit depuis 2014, après la révolution de Maïdan et l'annexion de la Crimée par la Russie. Mais contestés par ses adversaires politiques. "On accusait beaucoup Volodymyr Zelensky d'adopter une attitude naïve, par rapport à sa relation avec Poutine", souligne Sébastien Gobert. Zenon Kowal, ancien conseiller spécial de l'ambassade d'Ukraine en Belgique insiste : "Il pensait qu'avec Poutine, il pourrait avoir un partenaire de négociation, une personne avec qui il pourrait discuter. Or, ça n'a pas du tout été le cas."
Lors des premiers mois de son mandat, le président ukrainien, élu avec plus de 70% des voix, tente de se rapprocher de Poutine, et propose une rencontre. Il faut attendre le 9 décembre 2019 pour assister à un sommet entre les deux chefs d'État, encadré par le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel. Ce moment est un tournant dans leur relation. Volodymyr Zelensky comprend que Poutine ne lui fera aucune concession sur la question des frontières et de la souveraineté de certains territoires. Les tensions se ravivent. " Zelensky a le mandat de son peuple pour négocier avec Poutine, mais pas pour céder sur la souveraineté, c'est exactement ce qu'il va faire", explique Regis Genté, auteur de "Volodymyr Zelensky - Dans la tête d'un héros".
Quelques mois plus tard, la relation entre les deux chefs d'État ne s'est pas améliorée. Et le 24 février 2022, le président ukrainien reçoit une gifle. Vladimir Poutine lance son “opération militaire spéciale”. L'invasion de l'Ukraine, c'est la guerre. Volodymyr Zelensky, en position défavorable, exhorte le Kremlin de négocier. Il est prêt à faire des concessions très importantes, sur la souveraineté de certaines régions. Mais Vladimir Poutine ne veut rien savoir. L'avancée de ses troupes est extrêmement rapide. Alors Volodymyr Zelensky appelle les Occidentaux à la rescousse. Il use notamment de son talent de communicant. Les européens le soutiennent, en sanctionnant économiquement la Russie et en livrant des armes aux ukrainiens.
Après plusieurs mois de résistance, le rapport de force sur le terrain se rééquilibre. Volodymyr Zelensky profite de ce moment pour montrer un nouveau visage. "L’évolution qu'on peut remarquer, c'est l'évolution peut être de plus de fermeté dans le discours vis-à-vis de la Russie", détaille Valentyna Dymytrova, professeure en sciences de la communication à l'université Lyon 3. Et sur le terrain, il est dans une logique de reconquête. "Les ukrainiens veulent recouvrer les frontières de 1991 et donc celle de l'indépendance de l'Ukraine, reconnues internationalement et avalisées par tous les pays du monde, y compris par la Russie" explique Sébastien Gobert, journaliste à la Libre.
Ce nouveau visage de Volodymyr Zelensky est aussi expliqué par les exactions commises par l'armée russe, pendant leur occupation de certaines villes ukrainiennes. Affectés par l'atrocité de cette guerre, lui et les ukrainiens veulent désormais reprendre le dessus sur l'armée russe et faire tomber Poutine. Ce qui était complètement inenvisageable au début de la guerre, et encore plus après son élection en 2019.