La Hongrie dans l'attente fébrile des fonds de l'UE
Qu'attendre de ces réformes ?
De premiers amendements ont été présentés au Parlement lundi avant une série de lois vendredi, pour un total de 17 mesures clefs.
Objectif: remédier aux "irrégularités" et "carences" dénoncées par Bruxelles dans les procédures de passation de marchés publics, et prévenir les conflits d'intérêts.
Une "autorité indépendante" va notamment voir le jour pour mieux contrôler l'utilisation des fonds de l'UE.
Quelques jours après l'adoption par le Parlement européen d'un rapport jugeant que la Hongrie n'était plus une véritable démocratie, la Commission a proposé dimanche de la priver de 7,5 milliards d'euros tout en laissant la porte ouverte à une résolution du conflit.
Le commissaire au Budget Johannes Hahn a ainsi estimé que les réformes proposées pourraient "changer la donne", accordant quelques semaines de délai à Budapest qui se montre confiant.
Mais l'ONG Transparency International, qui classe la Hongrie à l'avant-dernier rang de l'UE en matière de corruption, est "sceptique", selon les termes de Miklos Ligeti, responsable des affaires juridiques pour Transparency International.
Depuis son retour en 2010, le Premier ministre nationaliste Viktor Orban a tissé sa toile: "d'importants secteurs de l'économie tels que la construction, la banque et le secteur des télécoms ont été accaparés par des oligarques ou des personnalités proches du pouvoir", explique l'expert à l'AFP.
"Après quasiment 13 ans de régime Orban, nous n'avons plus de contrôles démocratiques en place. Le système a été perverti (...) et il n'est pas possible de se débarrasser d'une corruption endémique par la simple adoption de règles plus strictes", poursuit-il. "C'est trop tard".
L'économiste Peter Akos Bod, professeur à l'université Corvinus de Budapest, émet lui aussi des doutes sur l'efficacité des mesures. M. Orban "ne peut pas se permettre un examen approfondi, trop de ses connaissances et amis personnels sont impliqués", dit-il.
Vont-elles suffire à convaincre le Conseil européen?
La Commission a désormais renvoyé "la balle dans la camp du Conseil", institution représentant les Etats membres, souligne Eulalia Rubio, chercheuse de l'Institut Jacques Delors.
D'ici à trois mois, les 26 partenaires de la Hongrie devront prendre une "décision à la majorité qualifiée, ce qui facilite les choses", note-t-elle, alors que la Pologne s'oppose à ce que son allié soit privé de financements.
Si la politique de cavalier seul de la Hongrie agace au sein de l'UE, les Etats membres auront à coeur de ne pas "prendre une décision qui aurait un impact important sur la population", estime Mme Rubio.
Ils ne veulent pas non plus s'aliéner Budapest, qui "dispose d'un droit de veto dans plusieurs dossiers et peut nuire à d'autres négociations", en particulier relatives aux sanctions contre la Russie.
Au-delà du mécanisme de conditionnalité lié à l'Etat de droit, reste la question du plan de relance post-Covid (5,8 milliards d'euros de subventions). La Hongrie est le seul pays à ne pas avoir reçu l'aval de la Commission, pour les mêmes raisons.
Pourquoi Budapest a tant besoin de ces fonds?
Avant sa réélection en avril, M. Orban assurait ne pas avoir besoin de l'argent de l'UE. Mais depuis, la situation économique s'est dégradée dans ce pays de près de 10 millions d'habitants, sur fond de flambée des prix de l'énergie provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Une inflation au plus haut depuis un quart de siècle, un forint qui chute dramatiquement: la Hongrie "a désespérément besoin des fonds européens", analyse M. Akos Bod, ancien gouverneur de la banque centrale.
Si les agences de notation abaissent leur évaluation, "il y a un risque de fuite des capitaux et d'une nouvelle dépréciation de la monnaie", avertit-il.
Petits commerçants, enseignants, la contestation gronde et l'approche de l'hiver fait craindre une explosion des factures.
"La question n'est pas si nous allons recevoir les subventions de l'UE, mais quand", résume l'eurodéputée Anna Donath, du petit parti libéral Momentum.
"Les caisses de l'Etat sont vides, la situation est grave", s'inquiète-t-elle, blâmant une gestion désastreuse.
AFP