France: Pap Ndiaye, un historien spécialiste des minorités à la tête de l'Education nationale
C'est la surprise de ce gouvernement: Pap Ndiaye, nouveau ministre de l'Education et de la Jeunesse, est un spécialiste de l'histoire sociale des Etats-Unis et des minorités, universitaire respecté et adepte du consensus, une personnalité qui apparaît en rupture avec celle de son prédécesseur.
Lors de la passation de pouvoir avec Jean-Michel Blanquer, il a rendu hommage à son "collègue historien" Samuel Paty, assassiné en octobre 2020, et a prôné "le dialogue avec toute la communauté éducative". "Mes premières pensées vont vers le monde des enseignants, qui est le mien depuis toujours", a-t-il dit.
Se définissant comme "un pur produit de la méritocratie républicaine", cet historien de 56 ans, de père sénégalais et de mère française, a affirmé être "peut-être un symbole, celui de la méritocratie, mais peut-être aussi celui de la diversité".
"Pap Ndiaye est là parce qu'il partage avec Jean-Michel Blanquer l'objectif d'offrir à nos enfants l'excellence et l'égalité des chances. Et je pense qu'il incarne ça", a déclaré la Première ministre Elisabeth Borne sur TF1. "Sa feuille de route, c'est de continuer, d'aller plus loin".
Professeur pendant de nombreuses années à Sciences Po Paris, Pap Ndiaye, qui était à la tête depuis l'an dernier du Palais de la Porte Dorée --institution qui comprend le Musée de l'histoire de l'immigration-- fait figure de "pointure" sur les questions liées aux minorités.
"Dans le domaine de l'Histoire, c'est quelqu'un qui a été innovant", dit de lui l'historien Pascal Blanchard, spécialiste de la colonisation, pour qui "ses travaux sur la présence noire en France sont fondateurs". "C’est bien d'aller chercher un pédagogue au moment où il y a un mal-être chez les enseignants".
"Sur tout ce qui touche aux minorités, il incarne des orientations qui ne sont certainement pas celles que Jean-Michel Blanquer a mises en oeuvre", relève le sociologue Michel Wieviorka.
Un atout pour la réconciliation?
Ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d'histoire, titulaire d'un doctorat obtenu à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et diplômé de l'université de Virginie (Master en histoire des Etats-Unis), Pap Ndiaye est le frère aîné de l'écrivaine Marie NDiaye, prix Goncourt 2009.
Il publie en 2008 "La Condition noire, essai sur une minorité française", son ouvrage de référence.
En 2019, toujours avec l'envie de vulgariser ses sujets d'étude, il devient conseiller scientifique de l'exposition "Le modèle noir", au Musée d'Orsay à Paris, sur la représentation des Noirs dans les arts visuels. Plus récemment, il a co-présenté un rapport sur la diversité à l'Opéra de Paris.
Lors de son arrivée à la tête du Musée national de l'histoire de l'immigration en mars 2021, il déclarait à l'AFP que sa nomination était un symbole pour les jeunes "non-blancs", même si elle s'expliquait "d'abord" par son travail d'historien et sa "longue carrière d'universitaire". "Je m'assume tel quel avec ma couleur de peau", poursuivait-il.
Réputé partisan du consensus, sa personnalité pourrait être un atout pour favoriser la réconciliation avec le monde enseignant, très critique à l'égard de Jean-Michel Blanquer.
Une nouvelle direction
Pour Michel Wieviorka, "c'est quelqu'un de très réfléchi, très posé". "S'il a les moyens d'avoir la politique qu'il peut incarner, comme personnalité intellectuelle, je pense que nous irons dans une direction nouvelle", dit-il.
L'arrivée à l'Education nationale de cet universitaire, qui avait signé en 2012 une tribune appelant à voter pour François Hollande, a suscité la surprise.
"Pour moi, Pap Ndiaye n'était pas du tout là-dedans. Ce qui est sûr, c'est qu'il fallait +déblanquériser+ l'Education nationale", a réagi auprès de l'AFP le député LFI Alexis Corbière. Mais "ce coup médiatique, le seul de ce gouvernement terne, ne désamorcera pas la profonde colère dans l'Education nationale".
Pour le Snes-FSU, principal syndicat enseignant du second degré, "la nomination de Pap Ndiaye est une rupture avec Jean-Michel Blanquer à plus d’un titre". Mais "l'Education nationale ne se gouverne pas uniquement à coup de symboles", met-il en garde. "Les urgences sont réelles, des réponses rapides sont attendues, notamment en matière salariale".