Derniers interrogatoires des accusés au procès des attentats du 13-Novembre
Que faisait Salah Abdeslam alors que Paris sombrait dans l'horreur et la sidération le soir du 13 novembre 2015 ? Le seul membre des commandos encore en vie devrait s'expliquer mercredi sur son emploi du temps au moment et après les attentats.
Mais la cour d'assises spéciale de Paris et les parties civiles ont déjà été échaudées par l'usage du droit au silence de l'accusé lors de son dernier interrogatoire le 30 mars. Il est peu probable que le Français de 32 ans fournisse, enfin, les réponses attendues.
L'enquête a permis de déterminer que le 13 novembre 2015, à 21H59, Salah Abdeslam, muni d'un gilet explosif, a abandonné la Clio avec laquelle il avait convoyé les trois kamikazes du Stade de France sur une place du XVIIIe arrondissement, dans le nord de la capitale. Quelle était son intention? "J'ai renoncé à enclencher ma ceinture", s'est-il borné à dire.
A 21H59 le 13-Novembre, les kamikazes du Stade de France avaient déjà actionné leurs ceintures explosives, les commandos des terrasses parmi lesquels se trouvait le frère aîné de Salah Abdeslam, Brahim, avaient accompli leur carnage et l'attaque du Bataclan avait commencé depuis douze minutes.
Les questions sans réponse
Un attentat était-il prévu dans le XVIIIe arrondissement, lieu mentionné dans le communiqué de revendication de l'organisation Etat islamique, ou dans le métro comme a pu le suggérer un fichier retrouvé dans un ordinateur d'une planque bruxelloise ?
Après avoir abandonné sa voiture, Salah Abdeslam appelle plusieurs de ses amis à Bruxelles, Mohammed Amri et Hamza Attou, aujourd'hui ses coaccusés, pour qu'ils viennent le récupérer et le ramènent en Belgique.
Il leur explique qu'il a eu "un accident de voiture". Aucun d'eux ne peut venir à Paris dans l'immédiat. Salah Abdeslam prend le métro jusqu'à Châtillon (Hauts-de-Seine), se débarrasse de sa ceinture et se cache dans une cage d'escalier. Mohammed Amri et Hamza Attou le récupèreront au petit matin.
La cour interrogera mardi les deux accusés qui ont "exfiltré" Salah Abdeslam, et un troisième, Ali Oulkadi, qui l'a caché dans la capitale belge. MM. Amri et Oulkadi font partie des trois accusés qui comparaissent libres sous contrôle judiciaire.
Lors de ses interrogatoires en Belgique, Mohammed Amri avait raconté que Salah Abdeslam lui avait dit dans la voiture "qu'il voulait mourir" mais que son "détonateur n'avait pas fonctionné".
Mercredi, après Salah Abdeslam, ce sera au tour de Mohamed Abrini d'être questionné. Après avoir accompagné les 10 membres des commandos à Paris, il est rentré en Belgique précipitamment, en taxi, dans la nuit du 12 au 13 novembre.
A l'audience, "l'homme au chapeau" qui a abandonné son charriot d'explosifs lors des attentats de Bruxelles en mars 2016 a dit - sans convaincre - qu'il était aussi "prévu" pour le 13-Novembre, mais qu'il avait renoncé et avait été alors remplacé par Salah Abdeslam.
"Vraie pipelette"
En fin de semaine, la cour doit entendre trois des accusés qui refusent depuis plusieurs mois de s'exprimer: Mohamed Bakkali, Sofien Ayari et Osama Krayem. Ce dernier refuse même de se présenter à l'audience depuis novembre 2021.
Très bavard au contraire, voire "vraie pipelette" comme il le dit lui-même, Yassine Atar sera interrogé jeudi, comme un autre accusé, Ali El Haddad Asufi. Le frère cadet d'Oussama Atar, commanditaire présumé des attentats probablement mort en Syrie (et l'un des six accusés jugés en leur absence), n'a cessé de clamer son innocence.
Après ces ultimes interrogatoires, trois jours seront dédiés aux expertises psychologiques et psychiatriques. Puis le procès sera suspendu une semaine fin avril, avant d'entamer à partir de début mai sa dernière ligne droite, avec les auditions de parties civiles et les plaidoiries de leurs avocats.
Le réquisitoire du parquet national antiterroriste est prévu sur trois jours, du 1er au 3 juin, avant de laisser place aux plaidoiries de la défense.
Le verdict de ce procès hors norme est attendu le 24 juin.