21.01.22
05:50

Le baromètre Covid, le monstre du Loch Ness enfin découvert?

Le baromètre Covid devrait être enfin présenté ce vendredi lors du Comité de concertation, à suivre en direct sur LN24 et LN24.be

Annoncé dès l’été 2020, le baromètre Corona supposé amener plus de prévisibilité dans la prise de décision des politiques sera enfin présenté ce vendredi. Retour sur une saga bien belge.

 

Episode 1 - Wilmès propose un baromètre

"Les experts du Celeval travaillent à un baromètre de l’épidémie qui va être implémenté progressivement dans notre pays. Plus la situation s’aggrave, plus des mesures de restrictions doivent être prises. Les citoyens pourront ainsi mieux appréhender l’évolution de la pandémie." Le 23 septembre 2020, Sophie Wilmès, encore Première ministre, l’annonce sans détour: le baromètre va devenir le principal outil de gestion de la crise sanitaire dans notre pays.

A l’époque, un premier rapport a été remis au 16 rue de la Loi. Dans ce document, qui nous est parvenu, le Celeval, le groupe d’experts de l’époque dont faisait notamment partie Marius Gilbert, Erika Vlieghe ou Pedro Facon, propose un plan en 4 phases. 4 étapes définies en fonction de critères épidémiologiques.

Différentes mesures sont alors proposées en fonction du palier dans lequel on se trouve. Par exemple, au stade 4, les Belges n’auraient pu voir que 1 personne par mois et le nombre de personnes dans un espace défini aurait été de 1 pour 10 mètre carré.

"Mais ce premier rapport a été recalé. Il ne tenait pas vraiment la route, nous explique une source libérale. Cette histoire de mètres carrés n’était pas claire pour la population."

La Première ministre demande donc de retoquer le projet. Mais la volonté est bien de "communiquer à la télévision nationale par le biais d'un coronabulletin, deux fois par semaine ; cette communication serait similaire à une prévision météorologique", comme le souligne le rapport du Celeval.

 

Episode 2 – la Vivaldi change de partition

Le 1er octobre, place à la Vivaldi, Alexander De Croo et surtout Frank Vandenbroucke. Le Ministre fédéral de la Santé veut imprimer sa marque sur la gestion de la crise. Le baromètre ne le convainc pas vraiment. "Il faut être sûr que ce baromètre puisse être accroché au mur et y rester", déclare-t-il à la Chambre le 13 octobre.

Quelques jours plus tard, Pedro Facon, le nouveau Commissaire Corona, présente après un Codeco un baromètre en 4 phases allant de "aucune circulation du virus" à "alerte grave". "On est au niveau 4. Si on est capable d’ajuster les différents protocoles, le baromètre sera alors prêt et on va dire un jour que l’on accepte ce baromètre. Mais il est un peu trop tôt", rétropédale déjà le vice-premier Vooruit juste après la conférence de presse de présentation.

Finalement, dans le plus fort de la deuxième vague, le gouvernement abandonne définitivement le baromètre. Le 10 novembre, Frank Vandenbroucke sort dans le journal Le Soir : "Ce n’est pas l’outil dont nous avons besoin aujourd’hui."

"A l’époque, ce n’était pas le bon moment. Nous étions en gestion de crise alors que le baromètre doit gérer le risque. Il est plus utile en temps d’accalmie. A partir d’octobre, c’est reparti vers le haut", nous explique-t-on au sein du cabinet d’un vice-premier francophone.

Mais, la décision du vice-premier n’est pas seulement sanitaire. "C’est abandon est aussi un geste politique", glisse plusieurs interlocuteurs. "Nous étions à un autre moment de la crise, rrépond le cabinet Vandenbroucke. On essaye de gérer la crise. Il n’y a pas de baromètre Vandenbrouck. C’est une décision collective. Maintenant, on considère cela comme un instrument intéressant. Les attentes et la situation ont changé."

Mais à l’époque, personne d’autre ne défend alors le baromètre. Sophie Wilmès est à l’époque hospitalisée à cause du Covid-19.

Le baromètre est mort-né, mais pas encore enterré.

 

Episode 3 – plan été et retour du baromètre

Pour sortir de la 3e vague, au printemps et en été 2021, le couple De Croo-Vandenbroucke déconfine avec un plan été. L’adoucissement des mesures est alors planifié et conditionné à des critères épidémiologiques clairs. Par exemple, si 80% des personnes vulnérables sont vaccinées et que moins de 500 lits sont occupés en soins intensifs, l’Horeca peut rouvrir en intérieur le 9 juin. Un baromètre qui ne dit pas son nom.

Après une séquence surréaliste fin novembre et début décembre (ndlr: 3 Codeco sont convoqués en deux semaines et demie, la culture ferme puis rouvre sur décision judiciaire), une solution semble émerger : le baromètre. Pour certains, il permettrait d’éviter de nouveaux marchandages politiques.

C’est donc décidé ! Le baromètre va voir le jour. Ce sera « un outil de gestion mais il faut être prudent, insiste le Premier ministre, Alexander De Croo, en conférence de presse. Ce n'est pas un pilote automatique."

 

Episode 4 – le Codeco va présenter son baromètre

Ce vendredi, lors de la conférence de presse suivant le Comité de Concertation, le Premier ministre et le Commissaire Corona présenteront finalement ce baromètre. « Le plan existe. Le commissariat a présenté un projet. Il reste aux différents ministres à se mettre d’accord dessus », nous chuchote-t-on du côté du cabinet Facon.

3 phases avec 3 couleurs. Le vert, le jaune et le rouge. En fonction de certains indicateurs, on passera de l’une à l’autre. L’un des critères principaux sera le nombre de lits occupés en unités de soins intensifs. "Mais les nombres exacts en sont pas encore arrêtés", confie le porte-parole d’un vice-premier fédéral. On pourrait même privilégier des fourchettes plutôt que des nombres précis.

A côté de cela, d’autres indicateurs vont aussi être déterminés et pas seulement des éléments épidémiologiques. Les politiques veulent prendre en compte la santé mentale ou le baromètre de la motivation des Belges.

Articulé à ces phases, des mesures spécifiques pour différentes types d’événements dans différents secteurs. Le sport, la jeunesse, l’Horeca, la culture et l’événementiel sont concernés. Ce n’est pas le cas pour la bulle de contact, les écoles, les métiers de contact ou le télétravail.

Le baromètre ferra la différence entre trois types d’activités : publiques (ex : les marchés de Noël), organisées (ex : une représentation théâtrale ou l’Horeca) et jeunesses. Les mesures cibleront aussi les organisations en fonction de deux autres critères : intérieur/extérieur et statique/non-statique.

"L’objectif est de garder une certaine flexibilité et une latitude. Le politique gardera la main sur les mesures", glisse une première source. "Avec Omicron, cela pourrait évoluer", ajoute une seconde.

Reste maintenant à connaitre les mesures spécifiques qui seront assorties aux différentes phases.

Après en avoir parlé pendant 17 mois, il devrait finalement voir le jour. Mais, "les discussions sont encore en cours, ce n’est pas encore sûr que l’on va atterrir", conclu le cabinet du Ministre de la santé. Un baromètre que l’on pourrait presque renommé Nessy. Le monstre du Loch Ness de la gestion de la pandémie en Belgique.

 

Pol Loncin

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