APD: les partis flamands veulent la tête de la 2e directrice lanceuse d'alerte
La Commission Justice s'est réunie ce vendredi matin à huis clos autour de l'explosive question de l'Autorité de protection des données (APD). Sujet du jour, après la démission anticipée d'Alexandra Jaspar la semaine dernière, le sort de deux autres membres de la direction: le décrié président David Stevens et Charlotte Dereppe, lanceuse d'alerte sur les dysfonctionnements de l'organe et de sa présidence, aux côtés d'Alexandra Jaspar.
Selon nos informations, la majorité Vivaldi est venue devant les députés de la Commission avec une proposition. A savoir, activer la procédure de licenciement (article 45 du règlement de la Chambre) contre Charlotte Dereppe au motif qu'elle "ne correspond plus à la fonction" et David Stevens "pour faute grave". Alexandra Jaspar, démissionnaire, n'est évidemment plus concernée par la procédure.
"Surréaliste"
Il s'agit d'un compromis politique "de crise": en résumé, les partis flamands (N-VA et VB, rejoints par le CD&V et Vooruit) voulaient la tête de Charlotte Dereppe, sinon David Stevens gardait sa place. Pas le choix pour les francophones face à des partis en majorité: ils ne veulent plus de ce président, Charlotte Dereppe sera donc aussi visée par la procédure de licenciement. Plusieurs élus francophones de la majorité nous ont confié leur malaise face à la situation.
"C'est surréaliste, un an et demi pour arriver à ça. Et en plus, Robben n'est concerné pas aucune mesure", nous souffle-t-on. Dans les membres du comité de direction, on retrouve en effet Alexandra Jaspar (démissionnaire et lanceuse d'alerte), Charlotte Dereppe (visée par la procédure de licenciement et lanceuse d'alerte), le président David Stevens (visé par la procédure de licenciement) mais aussi et surtout Frank Robben, l'homme au coeur d'une architecture opaque mais pas visé par la Commission Justice.
Quant à la proposition de loi du député Khalil Aouasti (PS) qui suggère de modifier la composition de l'APD et donc de mettre fin aux mandats de tous les directeurs actuels, elle n'a toujours pas été examinée ni votée en Commission Justice. Un vote en plénière sur cette proposition de loi n'est donc pas attendu avant la fin janvier 2022. En parallèle, un vent favorable nous informe que Mathieu Michel, secrétaire d'Etat à la digitalisation, continue de travailler sur son propre projet de loi. Il sera examiné une première fois vendredi prochain en conseil des ministres et devrait atterrir sur la table du Parlement à la mi-janvier.
Une longue procédure juridique
La décision de ce vendredi est un avis de la Commission Justice, transféré ensuite en Conférence des présidents (qui réunit les chefs de groupe de la Chambre) ce mercredi. Celle-ci devra convoquer la séance plénière pour lancer une instruction formelle. Les personnes visées seront auditionnées par l'ensemble des parlementaires. Et ce n'est qu'après "ce travail à charge et à décharge", selon un élu de la majorité, que la procédure de licenciement sera réellement activée. A ce stade, on parle donc de sièges éjectables mais pas de personnes licenciées.
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Protection des lanceurs d'alerte?
L'Autorité de protection des données (APD) est dans le viseur de la Commission européenne et de la Cour de Justice européenne. L'Europe estime que la Belgique viole l'article 52 du RGPD, à cause d'incompatibilités légales et de conflits d’intérêts au sein de son Comité de direction. La Belgique a jusqu'au 12 janvier 2022 pour répondre à la mise en demeure européenne et mettre fin aux mandats des mandataires de l’Autorité de protection des données.
Le mercredi 8 décembre dernier, Alexandra Jaspar, membre de la direction et lanceuse d'alerte sur les dysfonctionnements de l'APD et de sa présidence, avait présenté sa démission avec fracas, avant la décision de la commission Justice. Qui la vise, avec le président et l'autre lanceuse d'alerte, Charlotte Dereppe. Pour rappel, la Belgique n'a toujours pas transposé la directive européenne de protection des lanceurs d'alerte et cela ne le sera pas avant plusieurs semaines. Or, elle aurait dû s'appliquer à partir d'aujourd'hui. Mais "ici on ne fait que lancer la procédure, ce qui ne constitue pas des représailles", nous indique-t-on. A noter que le licenciement est bel et bien visé par la directive... "Il faudra vérifier ça à l'étape suivante de la procédure…"
Romuald La Morté & Vincent Schmitz
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