CST: Law and Order face aux shérifs wallons
La nouvelle est tombée hier soir, le Covid Safe Ticket est désormais jugé illégal en Wallonie
Une décision judiciaire qui fait suite à une action en référé, en urgence, diligentée par les avocates Audrey Lackner et Audrey Despontin, bien connues dans le milieu pour s’être opposées à l’État fédéral avec entre autres, la LDH (Ligue des Droits Humains), sur la Loi Pandémie. Aux manettes, on retrouve l’ASBL « Notre Bon droit ».
Le jugement a été rendu par le tribunal de première instance de Namur. Les plaignants mettaient en avant des atteintes toujours plus graves et récurrentes à l’Etat de droit et à la démocratie, des violations aux droits fondamentaux, résultat de l’usage de ce Covid Safe Ticket. La Région Wallonne, qui, pour l’anecdote, ne s’est pas présentée à l’audience, est condamnée à mettre un terme à cette illégalité dans un délai de 7 jours, sous peine d’astreinte de 5.000 euros par jour de retard.
Statu quo?
Le Porte-parole du Ministre-Président Elio Di Rupo déclare prendre acte de la décision mais précise que le jugement rendu n’annule pas le décret wallon portant sur le CST. En somme, le Covid Safe Ticket reste bel et bien, pour le moment, d’application en Wallonie. La Wallonie interjette d’ailleurs en appel dès ce matin. Petite précision encore, le combat judiciaire se poursuit aussi à Bruxelles, avec une action en référé similaire contre le Covid Safe Ticket bruxellois, action introduite devant le tribunal de première instance de Bruxelles et plaidée le 8 décembre prochain.
Légalement qu'est-ce qui est pointé du doigt par le tribunal namurois ?
Tout d'abord, le décret wallon s’écarterait du droit européen en lien avec le droit à la protection des données personnelles, notamment sur le fameux RGPD. Le sujet est hautement problématique depuis 18 mois avec de nombreuses actions en justice en Belgique. La décision ajoute qu’il ne serait pas démontré que le CST serait la seule alternative à un nouveau lockdown. En gros, il ne justifie pas assez sa prise de décision.
Contactées, les avocates de l’ASBL affirment que le tribunal critique surtout la discrimination instaurée entre les citoyens, sans y avoir apporté une justification objective et scientifique. D’avoir instauré des mesures globales, au détriment de solutions adaptées. Le gouvernement wallon n’a pas démontré la proportionnalité de sa mesure, et n’aurait pas dû laisser aux citoyens le loisir de décider, parfois seuls, d’imposer un CST. Un Far West dénoncé déjà plusieurs fois dans le passé.
Un CST qui perd en légitimité
Petit saut temporel, rappelez-vous, il y a 3 mois, on nous vendait le CST comme la solution miracle, pour continuer la vie d’avant, en toute sécurité. Mais la situation sanitaire a changé depuis. Nous nous trouvons dans une 4e vague. Les contaminations se sont envolées, nos hôpitaux sont en train de couler, ce n’est plus la même réalité, la même vérité. Le mot « Safe » est devenu trompeur, donnant une fausse impression de sécurité. Il y a un double péché dans ce CST : avoir permis avec cet instrument d’abandonner tous les gestes barrières, ces mêmes gestes dont tout le monde rappelle sans cesse l’importance depuis presque 2 ans et l’hypocrisie politique de ne pas avoir assumé qu’on prenait cette décision pour augmenter notre taux de vaccination.
Le CST peut rester utile, dans certaines situations, combiné à d’autres mesures, comme le disait hier Pedro Facon sur notre antenne, mais moins qu’espéré initialement. La rhétorique a évolué, car la vaccination protège, réduit les transmissions, infections, formes graves, sans pour autant être un outil miracle, le CST n’éradiquera pas le Covid. En revanche, il peut discriminer.
Il faut donc faire très attention lorsqu’on parle de limiter l’accès des lieux aux seuls vaccinés. In fine, c’est un terrible désaveu, un échec politique, car le CST n’a pas dopé la vaccination, il n’a pas connu un succès à la française, à l’italienne, il a surtout cristallisé les crispations, au sein d’une population, charmée de plus en plus par des idées de révolution.
Au final il existe comme une impression de se mettre la tête dans le sable et d’assister à une certaine forme de délitement démocratique. Des avis juridiques sur le CST avant son entrée en application, il y en a eu. L’Autorité de Protection des Données avait émis des critiques, le RAG avait fourni un rapport circonstancié sur son utilisation. Tous appelaient le politique à bien justifier, à trouver le bon équilibre, avec des garde-fous solides et durables.
Mais cela fait bien longtemps que nos parlements ne jouent plus leur rôle de contrôle du gouvernement…Et si cette phrase, fait mal, elle reflète une réalité, souvent dénoncée. Cette décision judiciaire risque en tout cas de faire réfléchir à deux fois, les partisans d’une prolongation du CST.
Car derrière tous ces débats, se cache la même question : quelle société voulons-nous ?