19.10.21
07:44

Taxe avions : le Kern a la tête dans les nuages mais va devoir redescendre sur terre

On s’en souvient, la semaine passée, il y a tout juste sept jours, le gouvernement fédéral accouchait d’un accord budgétaire après un conclave houleux et une taxe déjà retenait toute l’attention : celle sur les avions. Une taxe qui semble chaque jour toujours plus floue.

Voyage, voyage, vous connaissez bien évidemment ce tube des années 80 et nous n'avons pas fini de voyager avec la Team de Croo.

Même si l’avion de la Vivaldi ressemble parfois plus à un coucou russe proche du crash que d’un atterrissage serein.

Mardi dernier, à la Chambre, on a tous et toutes compris que ce n’était pas très clair cette histoire. Langue de bois, flou, esquives, plein de superlatifs sans rien de concret, les journalistes restaient sur leur faim.

Si le principe semblait clair : une taxe sur les trajets de moins de 500km depuis Bruxelles Airport, pour un apport estimé à 30M euros, la manière d’y arriver n’était pas vraiment définie.

On apprend que les modalités communiquées pourraient déjà évoluer, car l’accord est plutôt un non-accord.

Le rayon de 500-km pourrait passer à 650, 750 tient la corde, voire 1.000. Rien n’est encore décidé. Et la répercussion sur le prix du billet s’accentue de jour en jour : 2-3 euros au début, puis 5, maintenant 20, demain 40 euros qui sait, la course aux enchères est lancée.

En tout cas l’élargissement du compas, et donc du rayon de kilomètres, aura un impact surtout pour Charleroi, et peut-être aussi un peu pour Ostende/Liège/Anvers, tous immunisés à la base, mais la contagion se rapproche.

Ce dossier, comme tant d’autres, est éminemment communautaire. Lufthansa, la maison mère de Brussels Airlines, plusieurs fois aidée par le Fédéral financièrement, a vite compris que tous ses vols Hub vers Francfort étaient en ligne de mire. 

Pour les néerlandophones, et leurs puissants lobbys, il était inimaginable que cette taxe n’impacte que Zaventem. 

Or, il serait peut-être mal avisé de juste embêter le propriétaire de la principale compagnie aérienne du principal aéroport du pays. Et on sait que Charleroi fait des envieux, des jaloux. Alors on élargit la zone avec son compas, penché sur ses cartes, comme des explorateurs, afin que les autres soient également touchés.

Charleroi avait déjà fort transpiré la semaine passée, maintenant, il sue à grosses gouttes. Avec un rayon de 750 km, il verrait ses vols vers Nantes, Bergerac, Mila, Turin et Prague concernés. Nice, Côte d’Azur serait donc épargnés. On souffle le chaud et le froid dans ce dossier caliente.

Concrètement, tous ceux qui vont vers l’Angleterre, l’Allemagne (Francfort) et la Suisse. Une partie de l’Italie, mais pas Venise ou encore Vienne, vraisemblablement pas Dublin, Edimbourg ou Copenhague. 

Pour les passagers, le flou subsiste là aussi. On pense à environ un million par an. Or, il faut arriver à un montant estimé et confirmé de 30 millions d'euros en 2022, 40 millions les autres années.

Pas besoin d’un master en mathématiques pour comprendre qu’avec un million de personnes, même avec le supplément de 20 euros, on n’y est pas encore.

Alors va-t-on protéger les vols courts vers la Belgique ? Différencier les voyageurs des classes éco et affaires ? Quel impact pour les vols low cost Ryanair ? Et quid des alternatives ?

Pour les pays frontaliers, c’est aisé, mais le train n’est pas toujours accessible à un prix bon marché. Prenez la Suisse par exemple, où le cout de la vie est supérieur au nôtre. Et les connexions avec les trains internationaux ne sont pas encore suffisamment développées, malgré les bonnes volontés du Ministre Gilkinet.

Bref, préparez-vous à allonger le chéquier. Les transporteurs préféreraient quant à eux une taxe au niveau européen. L’Europe, là où chacun se tire dans les pattes, où la concurrence fait la loi plutôt que la coopération. On peut donc toujours rêver.

Dernière chose à relever : la méthode. Un accord parfois mal ficelé, mal torché. A l’école, mes parents me disaient toujours d’arrêter de m’y prendre en dernière minute, sinon "tu es busé".

Notons toutefois que mentalement cette taxe permet un grand pas, consacre le principe du pollueur-payeur, renforce et développe la fiscalité environnementale, même si les recettes sont plus là pour boucher les trous que lutter contre l’impact du CO2. Bref, après la tête dans les nuages, il va falloir revenir les 2 pieds sur terre. Et ce, dès ce vendredi en Kern. Date ultime pour transmettre et clôturer ces fameuses notifications budgétaires à l’Europe.

Romuald La Morté

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