A Cuba, l'opposition interdite de manifester le 15 novembre
Le gouvernement cubain a rejeté mardi la demande de l'opposition à manifester le 15 novembre, dénonçant une "provocation" et affirmant que ses organisateurs sont soutenus par Washington pour entraîner un changement de régime.
"Les promoteurs (de cette manifestation) et leurs représentants publics, dont certains ont des liens avec des organisations subversives ou des agences financées par le gouvernement américain, ont l'intention manifeste de promouvoir un changement de système politique à Cuba", selon la réponse des autorités publiée par le portail officiel Cubadebate.
"La manifestation annoncée, avec une organisation simultanée dans d'autres provinces du pays, constitue une provocation" et "les raisons invoquées pour manifester ne sont pas reconnues comme légitimes", assure le gouvernement communiste, rappelant le caractère "irrévocable" du système socialiste cubain, tel que défini dans la nouvelle Constitution adoptée en 2019.
Une réponse identique a été donnée tant à La Havane que dans les six autres (sur 15) provinces de l'île (Holguin, Cienfuegos, Pinar del Rio, Las Tunas, Santa Clara et Guantanamo) où une demande de manifestation "contre la violence", pour "la libération des prisonniers politiques" et pour "le changement" avait été déposée.
Reproduites sur les réseaux sociaux, ces demandes d'autorisation invoquaient l'article 56 de la nouvelle Constitution, qui reconnaît le droit de réunion, de manifestation et d'association à des fins licites et pacifiques.
Mais "même si c'est un droit constitutionnel, il ne peut pas s'exercer à l'encontre des autres droits", ont rétorqué les autorités.
Manifester est un droit
L'incertitude planait mardi sur la réaction de l'opposition et le maintien ou non de son appel à manifester.
"On va consulter les membres d'Archipiélago (Archipel, groupe de débat politique sur Facebook à l'origine de cet appel à manifester, ndlr) et avoir une réunion", a déclaré à la presse le metteur en scène Yunior Garcia, organisateur de la manifestation à La Havane.
"Manifester est un droit, ils nous ont dit qu'ils n'allaient pas respecter ce droit bien que ce soit un droit humain et qu'il soit inscrit dans la Constitution, ils nous ont dit que notre demande est illicite", a-t-il déclaré en sortant de la réunion avec les autorités municipales.
Yunior Garcia a dénoncé les accusations des autorités cubaines: "Quoi que fasse le Cubain, ils disent toujours que l'idée est venue de Washington, c'est comme si on ne réfléchissait pas, comme si nous les Cubains n'avions pas de cerveau".
Alors que "bien sûr, tout Cubain sensé veut un changement pour le mieux, il veut qu'à Cuba il y ait plus de démocratie, plus de progrès, plus de liberté".
Le gouvernement cubain, qui nie l'existence de prisonniers politiques à Cuba, considère comme illégale l'opposition, qu'il accuse d'être financée par Washington.
Crise économique
La manifestation était prévue au départ le 20 novembre, mais la semaine dernière, le gouvernement a décrété ce jour-là "Jour national de la Défense", précédé de deux journées d'exercices militaires.
"On ne pouvait pas être irresponsables, on ne voulait pas de violence, on ne voulait pas que les Cubains s'affrontent entre eux et on ne pouvait pas lancer les manifestants dans un combat dans la rue contre l'armée, qui pouvait réagir de façon violente", a-t-il expliqué.
Donc "le plus raisonnable était d'avancer la manifestation" au 15, jour de la réouverture de l'île au tourisme international.
"Si un touriste peut venir se promener dans les rues" de Cuba, "alors un Cubain, ce jour-là, peut exercer son droit", a estimé Yunior Garcia.
Ces appels à protester surviennent quelques mois après les manifestations historiques du 11 juillet, dans une cinquantaine de villes de l'île, qui se sont soldées par un décès, des dizaines de blessés et plus d'un millier de détenus, dont plusieurs centaines sont encore emprisonnés.
Ces manifestations spontanées, inédites depuis la révolution de 1959, avaient eu lieu aux cris de "Nous avons faim", "A bas la dictature" et "Liberté", sur fond de grave crise économique, la pire depuis 30 ans.
Depuis, plusieurs figures de la dissidence ont été arrêtées, certains comme José Daniel Ferrer et Luis Manuel Otero Alcantara étant emprisonnés depuis le 11 juillet et d'autres, comme Manuel Cuesta Morua, Guillermo Fariñas et Berta Soler, ayant été relâchés au bout de quelques heures, après avoir été mis en garde sur leur appel à manifester.