Le grand oral de la Belgique
La réputation de la Belgique sur la scène internationale est malmenée ces derniers jours. Le boomerang de l’affaire Chovanec nous revient en pleine figure. Chovanec, du nom de ce ressortissant slovaque qui est mort il y a deux ans alors qu’il était sous la garde de la police à l’aéroport de Charleroi. Le comité pour l’élimination des discriminations raciales, un organe de l’ONU, vient en effet de de cibler très nettement la Belgique dans son dernier rapport.
"Le comité est préoccupé du fait que le profilage racial par la police est un problème persistant en Belgique et qu’il n’existe aucune loi interdisant explicitement le profilage racial", lit-on dans le rapport qui pointe également du doigt une formulation trop vague des motifs pouvant donner lieu à un contrôle policier et le manque de données sur les personnes visées par des contrôles. Ça fait très mal à l’image de la Belgique…
Et puis surtout , une autre salve se prépare du côté de Genève cette fois-ci. Avec le fameux examen périodique universel: c’est au tour de la Belgique d’être jugée par ses pairs de l’ONU, un examen qui porte d’abord et avant tout sur la manière dont la Belgique met en œuvre, applique, et fait respecter les droits humains. Tous les pays de l’Onu y passe à un moment donné et les recommandations formulées, si elles ne sont pas contraignantes, ne peuvent pas être rejetées par le pays sans justification valable.
Pour la Belgique, c’est la ministre des Affaires étrangères en personne Sophie Wilmès qui assurera ce mercredi la représentation/défense de la Belgique. Il y a évidemment un énorme lobbying qui est effectué en amont sur les différents Etats qui vont juger la Belgique afin que le résultat de l’examen soit positif.
Que trouve-t-on dans le rapport sur la Belgique? Il faut distinguer grosso modo deux rapports sur lequel l’évaluation va se baser. Le rapport produit par la Belgique, on l’a lu, et là, c’est: tout va bien dans le meilleur des mondes, circulez, il n’y a rien à voir. Sur des dizaines de pages, les autorités belges expliquent les efforts déployés pour que la situation des droits humains soit exemplaire. A côté de ça, il y a le rapport produit par les organes de l’ONU et là, les observations sont beaucoup plus mordantes sur toute une série de domaines.
Par exemple sur les prisons. "La Belgique doit poursuivre ses efforts visant à réduire la surpopulation carcérale, notamment en ayant recours aux mesures de substitution à la détention, et améliorer les conditions de vie dans les lieux de détention". Ou sur le code judiciaire: "La Belgique devrait dépénaliser la diffamation et l’inscrire dans un code civil conforme aux normes internationales."
Sur la situation des femmes: "Le Comité est préoccupé par la discrimination à l’égard des femmes dans les sphères économiques et sociales, en particulier la persistance de l’écart de salaire entre les hommes et les femmes, et les obstacles que les femmes rencontraient lorsqu’elles voulaient accéder aux postes de décision dans le secteur public et le secteur privé."
Sur l’asile ou sur les mineurs, plusieurs remarques: "Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles un certain nombre d’enfants non accompagnés et séparés avaient fait l’objet de différentes formes de mauvais traitements, notamment des violences physiques commises par les agents de la police locale". Bref, bcp de remarques auxquelles Sophie Wilmèse devra répondre.
D’autant qu’Amnesty International vient également alourdir la barque. L’ONG a formulé 12 recommandations à l’attention de la Belgique avant son grand oral de ce mercredi. On y lit notamment que l’ensemble des efforts déployés par la Belgique sont lents et faibles pour se conformer aux règles de l’ONU. Que la Belgique a fait un pas en arrière concernant la détention de migrants et persiste à faire fi du principe de non-refoulement. Ou que le profilage ethnique de la part des forces de police reste problématique. Est demandé notamment que la Belgique mette en place un véritable Institut des droits humains conformes aux règles de l’ONU. Il y a du pain sur la planche…